mots clefs : enfance, science, genre, égalité, éducation
Cette communication propose une entrée par un domaine rarement abordé en sociologie de la culture : la culture scientifique et technique. Exposée dans des musées qui lui sont consacrés, et diffusée via des supports spécialisés (magazines, livres, jeux, émissions de vulgarisation) ou généralistes – à travers les mises en scènes réelles ou fictives des scientifiques – la culture scientifique trouve progressivement sa place aux côtés de la culture « classique » dans les programmes de recherche (Bordeaux, 2015 ; Détrez, 2014).
L'approche est d'autant plus intéressante que les ségrégations sexuées sont importantes dans ce domaine : il n'est pas donné à tout le monde de devenir un ou une scientifique, et les études en sciences comme les professions auxquelles elles donnent accès, exception faite des médecins et assimilés, restent l'apanage des hommes. Il s'agit ici de chercher des explications à ces processus d'exclusion précoce des filles du côté des objets et des contenus scientifiques, en se demandant d'abord quelles sont les pratiques culturelles liées à la science des enfants et des familles de milieux populaires (il s'agit de la population concernée par notre enquête), et si les réceptions de ces produits reproduisent et légitiment des stéréotypes genrés. Dans un second temps, notre travail s'inscrit dans la perceptive de l'évaluation des « effets » de l'éducation artistique et culturelle (Bordeaux 2015) et interroge les éventuelles retombées d'un projet éducatif de lutte contre les stéréotypes en science auxquels certains enfants participent pendant trois ans. Est-il possible de renverser la tendance, ou au moins de faire bouger les représentations genrées, tant à l'égard de science qu'à plus grande échelle ?
Ce travail repose sur une enquête de terrain longitudinale engagée en 2013 auprès d'élèves scolarisés à Lyon. L'étude suit une cohorte d'élèves qui participent depuis deux ou trois ans à un projet intitulé « Tous égaux devant la sceince » (TES), piloté par l'association RévoluScience, et dont l'objectif est de favoriser une égalité des chances dans l'accès aux sciences pour les enfants de milieux populaires, et en particulier pour les filles. Cette initiative se traduit par la mise en place d'ateliers scientifiques hebdomadaires dans les classes et par le suivi des enfants du CM1 à la 5e. La communication s'appuiera sur les données obtenues dans le cadre de trois années d'observation participante des ateliers scientifiques ainsi que sur des entretiens réalisés en 2015 et 2016 avec des enfants, participant ou non au projet ESO, puis avec leurs familles. Les entretiens portent sur leurs pratiques culturelles, la place que la science y occupe, et leurs représentations de la science et des scientifiques.
Références :
Bordeaux, M.-C. (dir.), 2015, Rapport d'étape : l'évaluation des « effets » de l'éducation artistique et culturelle. Étude méthodologique et épistémologique, Université Stendhal Grenoble 3.
Détrez C., 2014, Sociologie de la culture, Paris, Armand Colin, 192 p.
Détrez C., Piluso C., 2014, « La culture scientifique, une culture au masculin », dans Octobre S. (dir.), Questions de genre, questions de culture, Paris, DEPS Ministère de la Culture.
Lafosse-Marin M.-O., 2010, Les représentations des scientifiques chez les enfants, filles et garçons. Influence de la pratique des sciences à l'école primaire, thèse de doctorat sous la direction de Nicole Mosconi. Université Paris-Ouest Nanterre la Défense.
Las Vergnas O., 2011, La culture scientifique et les non scientifiques, entre allégeance et transgression de la catégorisation scolaire, note pour l'habilitation à diriger des recherches, Université de Nanterre - Paris X. André GIORDAN (président), Philippe CARRÉ (promoteur).