18-20 janv. 2017 ENS - IFÉ, 19 Allée de Fontenay, 69007 Lyon (France)
La marchandisation de loisirs féminisés : une forme de revalorisation ? Analyse à partir des cas des artisanes d'art et des blogueuses culinaires
Anne Jourdain  1  , Sidonie Naulin  2  
1 : Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales  (IRISSO)  -  Site web
Université Paris IX - Paris Dauphine
Place du Maréchal de Lattre de Tassigny 75775 PARIS Cedex 16 -  France
2 : Politiques publiques, ACtion politique, TErritoires  (PACTE)  -  Site web
Université Pierre Mendès-France - Grenoble II, Université Joseph Fourier - Grenoble I, CNRS : UMR5194, Institut d'Études Politiques [IEP] - Grenoble, Université Pierre-Mendès-France - Grenoble II
IEP - BP 48 38040 Grenoble cedex 9 -  France

Mots clefs : artisanes d'art ; blogueuses culinaires ; Internet ; loisir ; marchandisation.

 La sociologie de l'art et de la culture a depuis longtemps traité la question des frontières entre amateurs et professionnels (Moulin et al., 1985 ; Weber et Lamy, 1999). De leur côté, les sociologues du travail et du genre ont investi la question du « hors travail » avec l'analyse du travail domestique (Maruani, 2001). La marchandisation croissante d'activités jusqu'alors considérées comme domestiques ou de loisir, notamment à travers la montée en puissance de plateformes web de commercialisation relevant de ladite « économie collaborative », conduit aujourd'hui à questionner à nouveaux frais les couples de notions amateurs/professionnels et travail/hors-travail, tout particulièrement à la lumière des différences genrées.

Deux pratiques culturelles sont au fondement de notre analyse : l'artisanat d'art et la cuisine. Ces activités, dans leur versant amateur, ont traditionnellement été dépréciées du fait de leur forte féminisation. Tandis que la cuisine professionnelle est davantage pratiquée par des hommes et socialement valorisée, la cuisine domestique quotidienne reste l'apanage des femmes et partiellement invisibilisée. De même, tandis que les hommes qui exercent un métier d'artisanat d'art sont assimilés à des artisans professionnels, les femmes artisanes d'art sont fréquemment soupçonnées d'amateurisme dans leur pratique professionnelle. La féminisation du versant professionnel de ces activités, encouragée par l'émergence de dispositifs permettant une plus grande hybridation entre amateurisme et professionnalisme (sites de vente en ligne comme Etsy.com pour l'artisanat d'art, blogs et plateformes de mise en relation de cuisiniers amateurs et de clients pour la cuisine), conduit à un brouillage des frontières, une hétérogénéisation des profils des pratiquants et contribue à reconfigurer le sens même conféré aux activités.

En interrogeant les carrières de genre, la communication vise à saisir dans quelle mesure la marchandisation de loisirs dépréciés du fait de leur forte féminisation contribue à revaloriser de telles activités. Comment décide-t-on de marchandiser son activité amateure ? Comment cela s'articule-t-il avec le cycle de vie familial et les événements biographiques (naissance d'enfants, expatriation, maladie, etc.) ? Quelles conséquences la marchandisation entraîne-t-elle sur l'activité, sur le sens conféré à celle-ci et sur les pratiques de consommation associées ? Dans quels cas aboutit-elle à une professionnalisation ?

Notre communication repose sur des données qualitatives (plus d'une centaine d'entretiens et de nombreuses observations) et quantitatives (questionnaires en ligne auprès de 947 artisans d'art et de 1387 blogueurs culinaires) collectées entre 2008 et 2012. Elle s'appuiera en outre sur de nouvelles enquêtes réalisées en 2016 : l'une sur les vendeurs et vendeuses du site Internet Etsy.com, l'autre sur les amateurs vendant en ligne des produits et services culinaires (chefs à domicile, vente de plats cuisinés, etc.).


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