18-20 janv. 2017 ENS - IFÉ, 19 Allée de Fontenay, 69007 Lyon (France)
Genre, corps et désir : la place de l'homosexualité masculine dans le champ théâtral
Serge Proust  1@  , Corine Védrine  2  
1 : Centre Max Weber  (CMW)
Université Jean Monnet - Saint-Etienne, École Normale Supérieure (ENS) - Lyon, CNRS : UMR5283, Université Lumière - Lyon II
2 : Centre Max Weber  (CMW)
ENSAL

 

Mots clefs : théâtre, genre, homosexualité, domination masculine, séduction

Cette proposition de communication rend compte d'interrogations qui ont émergé à l'occasion de plusieurs recherches portant sur les professionnels et les publics de théâtre, et au cours desquelles la question de l'homosexualité masculine est apparue à diverses reprises, soit de manière directe soit de manière euphémisée en fonction des cadres de recherche.

Si dans le champ théâtral, les effets de genre commencent à être documentés, ceux liés plus spécifiquement à l'homosexualité restent largement déniés de crainte pour le chercheur d'être accusé de stigmatisation. Pourtant, au cours des entretiens, les professionnels décrivent, voire dénoncent souvent l'action de réseaux homosexuels pour l'allocation des ressources publiques, l'accès aux marchés du travail ou la distribution des postes. Quant à l'observation ethnographique, elle montre que les publics (massivement féminins) posent un regard particulier sur les hommes venus à deux, alors souvent soupçonnés d'être en couple (contrairement aux femmes supposées être venues entre amies). Pour comprendre ces discours et regards, nous proposons de distinguer ce qui relève de l'espace de la consommation de l'espace de la production.

Nous faisons l'hypothèse que les interprétations et commentaires dont fait l'objet la sociabilité masculine dans le domaine du spectacle, résulte largement de l'intériorisation de dispositions dites "féminines", telle l'acceptation d'une domestication des corps qui caractérise la consommation théâtrale, ainsi qu'une sensibilité et une intériorité manifestées par les comédiens et les metteurs en scène. Aussi, l'homosexualité masculine apparaît-elle plus facilement revendiquée que l'homosexualité féminine, qui fragilise l'incarnation par la femme de l'objet du désir sur scène.

Concernant l'espace de production, dans ce métier qualifié d' « érotico-romantique » par l'un de nos interviewés, la séduction est en effet un élément central pour la compréhension du fonctionnement du marché de l'emploi. Pour le comédien, il ne s'agit pas seulement de séduire le public pour en être aimé, mais également de susciter « le désir du metteur en scène ». La notion de désir est alors directement articulée à celle de reconnaissance, pouvoir, estime, subordination, violence symbolique. C'est dans ce rapport au corps, que la plupart des enquêté-es (hommes, femmes, homosexuels, hétérosexuels– l'un d'eux parle d'hétérophobie) évoquent spontanément la place centrale de la domination masculine et plus particulièrement celle de l'homosexualité masculine. S'il est plus difficile pour les femmes de se maintenir dans le métier, non seulement parce que les rôles féminins sont moins nombreux (et de plus en plus rares avec l'âge) et que la concurrence est plus élevée chez les comédiennes ; c'est aussi parce qu'une grande part des metteurs en scène préférerait travailler avec des hommes, lesquels sont précisément ceux qui suscitent le désir. Le faible nombre de metteuses en scène et d'auteurs féminins ajoute donc une dimension à l'inégalité des sexes face au marché du travail, dans la mesure où la parité de la distribution des désirs ne peut être assurée. 

Nous proposons de formuler ces hypothèses en examinant en même temps, les difficultés méthodologiques (comprenant l'interprétation même du chercheur) et éthiques que ces questions soulèvent.


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