Mots clés : littérature, « littérature féminine », histoire littéraire, (catégorie) critique, féminisme
Dans le sillage de la discipline de l'histoire des femmes, et de ses questionnements qui peuvent être littéralement transposés à sa consœur – l'histoire littéraire des femmes, ou sans les femmes, est-elle possible ? –, j'ai interrogé l'histoire littéraire dans sa pratique, à travers l'examen des Histoire de la littérature française du XXe et XXIe siècle, publiées en France pour la première fois entre 1943 et 2013, soient plus d'une vingtaine de titres (une quarantaine de volumes au total). C'est à partir de cette étude que je présenterai une synthèse de mes recherches sur la question de la place et de la représentation des textes de femmes dans les histoires de la littérature française.
La minoration des littératrices ou l'écrivaine future
Le premier volet de ma contribution analysera la minoration des femmes de lettres et de leurs textes dans les histoires littéraires du XXe siècle qui est effective pendant tout le siècle. De façon paradoxale, les histoires littéraires font toutes du XXe siècle, le moment de l'égalité enfin obtenue, y compris dans le monde des lettres, sans reproduire ce constat dans leur propre pratique. C'est à cette condition de minoration que la catégorie de la « littérature féminine » peut exister en histoire littéraire et qu'elle chapote, souvent sans difficulté, la majorité des textes produits par des femmes présentés dans les histoires de la littérature française. La place de nos contemporaines dans les histoires de la littérature récentes, me permettra de proposer, en supplément du constat quantitatif, une réflexion sur l'existence d'un paradigme dominant qui fonderait symboliquement depuis la fin du XIXe « la » littérature sans les femmes, les plaçant du côté d'un « féminin futur » résolument innovant parce qu'inédit.
Livres de femmes ou littérature féminine ?
Le second volet s'attachera à restituer à grands traits l'existence et l'évolution d'une catégorie critique jugée pertinente en littérature, celle de la « littérature féminine ». Loin de seulement désigner la « littérature produite par les femmes », la littérature féminine en France est une représentation de ce que l'on pense être la littérature produite par les écrivaines, et de façon corrélative, de ce qu'elle doit être. L'ensemble d'un siècle dissocie, du point de vue de l'évaluation, la littérature, sans qualificatif et universelle, désignant principalement les textes produits par les hommes, et la littérature féminine, particulière parce que les écrivaines la produiraient selon des critères réputés spécifiques. L'écriture féminine, projet esthétique et politique des années 1970, vient répondre à cette catégorie de la littérature féminine dans les années 1970 : elle est, par la suite, reprise par l'historiographie littéraire mais dans un amalgame signifiant qui en fait dès les années 1980 l'équivalent sa prédécesseuse.
En conclusion, j'envisagerai la manière dont cette assignation (littéraire) sexuée qu'impose la critique produit des effets sur le positionnement mais également sur l'écriture des écrivaines à tout au long du XXe et XXIe siècle. Convoquant non seulement le scenario (Diaz) ou la posture (Meizoz) auctorial.e mais encore les textes eux-mêmes, quelques exemples permettront de comprendre que ces résistances sont de l'ordre de la neutralisation, de la revendication du féminin ou du féminisme. À partir de l'exemple de la réaction poétique et stylistique à la « littérature féminine » pourrait ainsi se concevoir une étude plus générale de la résistance textuelle aux normes de genre, de race, et de classe.