Mots-clés : photographie ; mixité ; genre ; technique ; professions
Cette présentation fera état de l'avancement de ma thèse qui porte sur le genre des formations professionnelles, et plus spécifiquement des formations aux métiers de la photographie en France entre 1945 et 1975. Cette période est en effet un moment charnière dans la construction de l'identité professionnelle des photographes, processus de professionnalisation qui s'appuie notamment sur une exclusion de sexe. A titre d'exemple, durant cet intervalle, les effectifs de l'Ecole nationale de photographie se masculinisent, passant de 50% d'élèves filles à moins de 5%. Pourtant, les professions photographiques, leurs formations, et a fortiori leur historicité et leur caractère genré restent un point aveugle des recherches actuelles (Vettel-Becker, 2005), alors même qu'elles semblent un terrain privilégié d'étude de la résistance des professions artistiques à leur féminisation. Dans ce cadre, mener des entretiens biographiques se révèle utile pour resituer ces rapports sociaux de sexe dans leurs dimensions individuelles, scolaires et professionnelles.
Le colloque sera l'occasion de présenter plus spécifiquement le cas d'un couple hétérosexuel de diplômé·e·s de l'école nationale, issu de classes sociales différenciées, mais formés au cours de la même promotion au début des années soixante. Étudier les trajectoires de ce couple, c'est envisager le genre dans sa dimension irréductiblement relationnelle. Cela donne l'occasion d'étudier comment les rapports de conjugalité et de professionnalité se mêlent, ainsi que la façon dont de subtils ressorts de genre peuvent affecter la trajectoire synchrone d'individus concourant pour le même diplôme, et entrant au même moment sur le marché du travail. Il s'agira d'interpréter comment, de la période de la formation à celle de l'insertion professionnelle, les trajectoires des membres d'un couple de photographes sont transformées, facilitées ou entravées par des facteurs tels que le sexe et la classe sociale, et comment ces individus peuvent à leur tour se réapproprier ces expériences de façon singulière.
À travers l'analyse de leurs récits, on mettra en évidence la façon dont la scolarisation simultanée de deux individus entraîne des expériences contrastées, notamment genrées, mais aussi comment le passage par une école nationale construit l'incorporation de dispositions professionnelles communes neutralisant en partie ces différences. Enfin, on montrera comment les distinctions de genre et de classe sociale sont redoublées durant l'insertion professionnelle, période cruciale pour le développement de la carrière.