Mots-clés : metal, musiques populaires, extreme-droite, entre-soi, masculinités
La musique metal est un genre dérivé de la musique rock, identifiable par la présence de guitares électriques agressives et de chants criés, ainsi que par ses thématiques antichrétiennes. Le succès des festivals de musique metal en France au début des années 2000, la démocratisation des moyens de communications numériques et la popularisation par les médias traditionnels ont permis l'ouverture de la musique metal à un plus large public féminin. Si le metal suit la féminisation des pratiques culturelles, se diversifie et accueille plus qu'auparavant un public féminin, l'accès à la position de musicienne reste très difficile et la communauté metal reste très majoritairement masculine.
Notre étude est basée sur un travail de mémoire de M1 en sociologie à l'EHESS. Cette présentation se fonde sur une ethnographie de plus de douze mois au sein de la communauté française de « black metal », l'un des sous-genres de musique metal les plus ouvertement réfractaires à la présence des femmes et aux minorités ethniques. L'accès des femmes à la position de musiciennes est en effet rendu particulièrement difficile et la scène musicale est, à l'exception de quelques individus, entièrement masculine. L'étude est complétée par la participation à des concerts et à la vie collective de la communauté, ainsi que par une quinzaine d'entretiens approfondis.
Sur les réseaux sociaux et dans les festivals, les femmes sont de plus en plus nombreuses à exprimer leur goût et leur connaissance de la musique black metal. Celles-ci sont par ailleurs nombreuses à exprimer leur goût musical par la pratique de l'interprétation ou de la composition. Pourtant, celles-ci restent très peu visibles dans les concerts et dans la vie de la communauté, et restent exclues des positions de musiciennes. Comment alors comprendre la préservation de l'entre-soi masculin des musiciens de black metal face à un public de plus en plus féminisé ?
Je présenterai dans un premier temps les enjeux politiques liés à la participation à un groupe de musique dans le black metal, et les justifications à l'évincement des femmes de la position de musiciennes. Le black metal s'est développé en France depuis la fin des années 90 autour d'un discours d'extrême-droite contre l'immigration, discours qui fait l'objet de l'attention de toute la scène pour ne pas être divulgué au grand public. Je montrerai que, dans une communauté solidaire où l'intégration se fait par le cumul des positions de production, de médiation et de public, l'évincement des femmes de la position de musiciennes a des répercussions sur l'ensemble de leur vie au sein de la communauté et sur la qualité de leur intégration.
J'essaierai dans un second temps de faire apparaître les stratégies mises en œuvre par les musiciens de black metal pour conserver le contrôle sur la scène musicale et sur les publics des concerts. J'y montrerai aussi l'influence du public sur la « survie » professionnelle des membres de la scène, les publics pouvant agir comme censeurs en coupant les fonds financiers aux artistes. J'y montrerai aussi comment la construction de l'identité professionnelle des femmes par les membres de la scène les dirige vers des carrières dévalorisées par les membres masculins, en montrant comment celles-ci se voient assignées une identité aux scènes musicales connexes, gothic ou hipster, ou encore comment des pratiques similaires se voient attribuer des significations stigmatisantes selon le genre.
L'étude de la communauté française de black metal peut ainsi permettre de mieux comprendre pourquoi et comment une communauté élitaire se préserve du danger que représentent les femmes.